Famille
Chaque billet présente un thème. L’ensemble de ceux-ci est formé des axes de réflexions suivants: artisanat, agriculture, voyage, culture, famille, citoyenneté.
L’histoire des Rroms existe et des historiens comme des anthropologues de plus en plus nombreux l’étudient, y compris parmi les Rroms. La mémoire, elle, est le plus souvent ignorée, qu’il s’agisse de reconnaître les persécutions dont ils furent victimes durant la Seconde Guerre mondiale (50 000 à 80 000 victimes) ou le fait qu’ils furent assimilés, durant très longtemps, à une catégorie particulière d’esclavage, la « robie ». Envoyés aux galères sous Louis XIV en France, ils ont aussi fait l’objet d’oppressions spécifiques dans des pays connus pour leur tradition démocratique, comme la Suède ou la Suisse au XXe siècle. En effet, en Suisse, le Département fédéral de justice et police planifie en 1930 l’enlèvement des enfants sur dix ans. La Fondation Pro-Juventute a déjà mis en application en 1926 l’opération « Les Enfants de la grand-route ». Celle-ci enlève de force les enfants des Yéniches (Tsiganes de Suisse) pour les placer et les rééduquer dans des familles d’accueil sédentaires, des orphelinats, voire des asiles psychiatriques en tant que « dégénérés ». Le docteur Alfred Siegfried, directeur des Enfants de la grand-route, considère les Yéniches comme génétiquement menteurs et voleurs. Non seulement on interdit aux parents biologiques de rencontrer leurs enfants (sous peine de prison), mais des stérilisations sont pratiquées sous prétexte « humanitaire » pour limiter leur reproduction. Cette opération ne prend fin en Suisse qu’en 1972. La Suède pratique une politique similaire jusqu’en 1975. La « Bohémienne » est encore aujourd’hui un cliché de la femme rrom, hérité d’un ancrage mythologique très ancien, de Kali à Artémis ou Isis, voire Séléné, déesses féminines qui ont donné, dans la chrétienté, le mythe de la Vierge noire à laquelle plusieurs communautés rroms sont particulièrement attachées. Cette vision mythique d’une femme sacrée, toute-puissante, insoumise, fatale se retrouve aujourd’hui dans la culture flamenca, mais depuis longtemps aussi dans deux figures emblématiques de la Bohémienne dans la littérature française du XIXe siècle, Carmen et Esmeralda.